13 janvier 2014

Gérard ZLOTYKAMIEN participe à OPPOSITION



Les gens sont toujours surpris d'apprendre que le premier artiste urbain au monde est français.
Quoi? Non, pas croyable!

Il a 70 ans, il vit et travaille en région parisienne : Gérard ZLOTYKAMIEN.
En 1963, quand Zloty commence à peindre dans la rue, les graffeurs new-yorkais sont encore en couche culotte (ou presque) et personne ne s'est encore essayé à ce qui deviendra l'art urbain.
Gérard Zlotykamien est le premier!!!

Ci-après la préface de Stéphanie LEMOINE (journaliste et critique d'art) pour le catalogue de l'exposition "Éphémères" à la galerie Mathgoth en Octobre 2012.



Un saut dans le vide

Si les noms de Bansky, JR ou Invader sont désormais familiers au grand public, celui de Gérard Zlotykamien reste confidentiel hors du cercle étroit des amateurs d’art urbain. L’homme en est pourtant l’un des pionniers : dès 1963, après une participation remarquée à la 3e Biennale de Paris (la salle où il expose avec Arroyo, Pinoncelli, Camacho, Biass et Brusse est censurée), il délaisse les circuits institutionnels de l’art pour tracer dans les rues et terrains vagues, sur les chantiers et palissades des figures vacillantes à la poire à lavement et à la bombe aérosol. A l’époque, le writing new-yorkais est encore dans les limbes, et ni Pignon-Ernest ni Buren n’ont commencé à sonder les qualités plastiques et la profondeur historique de l’espace urbain.




L’amnésie qui entoure le travail de Zlotykamien n’en étonne que davantage. Depuis une petite dizaine d’années, la scène street art connaît un début de reconnaissance institutionnelle et pourrait même avoir trouvé sa place sur le marché. Pourtant, dans les galeries, les salles des ventes et articles de presse, nulle trace ou presque de Zlotykamien. Son « actualité » des dix dernières années tient en peu de mots : une participation à la rétrospective Né dans la rue en 2009 à la Fondation Cartier et la réalisation d’une affiche pour le M.U.R.



Cette éclipse tient d’abord à la radicalité de l’artiste. Que ses familiers et ses pairs l’appellent affectueusement Zloty [1] ne change rien à l’affaire : l’homme n’a jamais fait aucune concession aux nécessités du commerce. Ceux qui le connaissent bien parlent de rigueur et d’intégrité. Lui, dit : « Je ne fabrique pas de fausse monnaie. Je ne suis pas une machine à multiplier. » Au contraire, Zlotykamien semble s’être acharné à déjouer toute tentation de thésauriser sur son travail. Les œuvres qu’il a peintes dans les rues échappent par nature au marché : conçues dans l’illégalité et situées le plus souvent au sein d’espaces en mutation (friches, délaissés, terrains vagues, bâtiments promis à la démolition…), elles sont vouées à disparaître, d’où leur nom d’éphémères. Quant à celles qu’il a créées dans son atelier à Argenteuil – comme chez beaucoup d’artistes dits urbains, son travail ne se résume pas à la rue, et se déploie sur tous types de supports et d’espaces – il en subsiste une poignée. Le reste a été brûlé, déchiré ou jeté.





Pour justifier cette manie de la disparition, on pourrait invoquer des raisons d’ordre biographique : d’origine juive et polonaise, Gérard Zlotykamien a vu nombre des siens périr dans les camps – brûlés, jetés ou effacés, pas moins fragiles et éphémères que les figures qu’il a tracées toute sa vie sur les murs. En 1979, lors du procès instruit contre l’artiste par la ville d’Ulm où il est allé peindre les murs de la prison ou de l’université, il a contre ses juges cette réplique cinglante : « Si vous me rendez les miens, j’effacerai vos murs. » Pourtant, Zloty place ailleurs, juste à côté, l’origine de ses figures fantomatiques : dans l’explosion atomique d’Hiroshima et les ombres humaines que le souffle a jetées sur les murs. Il raconte que c’est en voyant les photographies de ces ombres que lui sont venues l’idée et la forme des éphémères…
Mais chez Zlotykamien, le vide est aussi une condition de l’acte créateur. « Pour faire quelque chose, note-t-il, j’ai besoin qu’il n’y ait rien. J’ai besoin de sentir le vide pour pouvoir le remplir. » Sans doute faut-il voir ici l’héritage d’Yves Klein, que l’artiste a bien connu lorsqu’il était adolescent. Les cours de judo dispensés par l’homme aux monochromes bleus sont en effet les seuls cours de peinture que Zloty ait jamais pris [2]. Or, Klein est d’abord le peintre de l’espace, et pour en donner la représentation la plus exacte possible, il convoque le vide, l’expose en 1958 (seuls les murs extérieurs de la galerie sont peints) et plonge dedans deux ans plus tard au cours d’une mise en scène photographique justement intitulée « le saut dans le vide » : « pour peindre l’espace, explique-t-il, je me dois de me rendre sur place, dans cet espace même ». Mais l’espace dans lequel plonge l’artiste dans le photomontage de 1960 n’est pas tout à fait le vide. C’est une rue déserte d’un quartier résidentiel à Fontenay aux roses. Chez Klein, comme chez Buren quelques années plus tard, faire l’espace la question plastique fondamentale revient in fine à sortir dans la rue. Zlotykamien retiendra la leçon…





Du maître, il a aussi appris à pratiquer la peinture comme un art martial : avec concentration, intériorité et précision. Lorsqu’il travaille, l’artiste se veut semblable à ce judoka japonais fait prisonnier en 1945, et qui continuait à s’entraîner contre un arbre ; semblable encore à Szpilman, le pianiste de Polanski, qui jouait sans frapper les touches de son instrument. Lui importe moins le motif que le processus qui conduit à l’élaboration du geste le plus précis, le plus indiscutable possible. En regard de ce geste, l’oeuvre créée est secondaire. Elle pourrait même à la rigueur ne pas exister, que Zlotykamien serait encore peintre. « J’arrive à ne pas peindre », dit-il d’ailleurs, et il faut voir dans cette sortie malicieuse le triomphe d’un homme qui a pour ambition de peindre partout, quoiqu’il arrive, « même en prison ». Son apport à la genèse de l’art urbain est sans doute là : de même que plus tard, le graffiti s’affirmera d’abord comme une aventure et un jeu, comme une façon d’explorer la ville et d’en nier toutes les frontières, bref, comme un acte gratuit dont le tag ou la pièce seraient en quelque sorte la trace, de même, Zloty s’est attaché à saisir ce qu’il y a dans la peinture de plus fondamental et de plus immatériel : le geste. 


Stéphanie LEMOINE
(Journaliste et critique d'art)

[1] Le zloty est l’unité monétaire de la Pologne, pays dont est originaire la famille de Zlotykamien [2] Attachée de presse chez Grasset, la mère de Zlotykamien découvre Yves Klein dont sa maison d’édition publie en 1954 Les fondements du judo. C’est elle qui enjoint son fils à suivre les cours de judo. Un jour, Klein aurait dit au jeune homme : “si tu veux être un grand peintre, tu devras pratiquer le judo jusqu’à 45 ans.”






OPPOSITION, avec :
Morten Andersen (Danemark), CT (Italie), Jean Faucheur (France), Fenx (France), Anders Gjennestad (Norvège), Jace (France), Jef Aérosol (France), Swiz (France), Gérard Zlotykamien (France).


Infos pratiques :
OPPOSITION
Galerie MathGoth
34, rue Hélène Brion - 75013 Paris
(metro Bibliothèque François Mitterrand)
Du 24 janvier au 22 février 2014
Vernissage le vendredi 24 janvier à partir de 18 heures


Contact Presse :
Mathilde Jourdain 06 63 01 41 50